Récurrence double
Cet article s’inscrit dans la continuité de l’article « Révisions d’été – Le raisonnement par récurrence (Partie I) » (Que vous pouvez consulter en cliquant ici). À ce titre, les deux articles sont complémentaires.
I. Le principe de récurrence double :
On rencontre parfois des récurrences un petit peu plus compliquées, où l’on ne sait pas déduire $\mathcal{P}_{n+1}$ de $\mathcal{P}_{n}$ mais seulement $\mathcal{P}_{n+2}$ de $\mathcal{P}_{n}$ ET $\mathcal{P}_{n+1}$.
Une telle récurrence est appelée récurrence double. Parfois, on parle de récurrence à deux termes ou encore récurrence d’ordre deux. Les récurrences « traditionnelles » sont dites simples.
La rédaction doit donc être adaptée, la vérification de l’initialisation doit comporter $\mathcal{P}_{0}$ et $\mathcal{P}_{1}$, et le principe de raisonnement par récurrence prend dans ce cas la forme suivante :
Soit $n$ un entier naturel et $\mathcal{P}_{n}$ une propriété.
Si $\displaystyle\underbrace{\mathcal{P}_0\text{ ET }\mathcal{P}_1 \text{ sont vraies}}_{\text{Initialisation}}\qquad$ et si $\displaystyle\qquad\underbrace{\forall n\in\mathbb{N},\quad\mathcal{P}_n\,\text{ET }\mathcal{P}_{n+1}\,\Longrightarrow\, \mathcal{P}_{n+2}}_{\text{Hérédité}}\,,\qquad$ alors $\forall n\in\mathbb{N},\quad\mathcal{P}_n$.
— Exemple 1 —
Suite de Fibonacci :
Soit $n$ un entier naturel non nul.
On considère la suite $\displaystyle (F_n)_{n\geq 1}$ définie par :
$F_1=1\,$, $F_2=2\,$ et $\forall n\in\mathbb{N}^*\,\quad F_{n+2}=F_{n+1}+F_{n}$
Montrer que pour tout entier naturel $n$ non nul, on a $F_n \geq n$.
Correction :
Pour $n$ dans $\mathbb{N}^*$, soit $\mathcal{P}_n$ la propriété :
$$F_n \geq n$$
La définition de $\displaystyle (F_n)_{n\geq 1}$ suggère d’établir $\mathcal{P}_n$ par une récurrence double.
Initialisation :
On a $F_1=1\geq 1$ et $F_2=2\geq 2$.
Les propriétés $\mathcal{P}_0$ et $\mathcal{P}_1$ sont donc vérifiées.
Hérédité :
Soit $n$ dans $\mathbb{N}^*$ tel que $\mathcal{P}_n$ et $\mathcal{P}_{n+1}$ soient vraies.
On a donc,
$F_n \geq n$ et $F_{n+1} \geq n+1$
Comme de par sa définition, on a :
$$F_{n+2}=F_{n+1}+F_{n}$$
Alors,
$$\begin{align}F_{n+2}&\geq n+1+n\\&\geq 2n+1\\&\geq n+2 \quad\text{car }n\geq 1\end{align}$$
La propriété $\mathcal{P}_{n+2}$ est démontrée.
On peut donc conclure que la propriété $\mathcal{P}_{n}$ est vraie pour tout $n\in\mathbb{N}^*$.
C’est à dire que pour tout $n\in\mathbb{N}^*$, on a $F_n \geq n$.
— Exemple 2 —
Soit $n$ un entier naturel.
On considère la suite $(u_n)_{n\geq 0}$ définie par :
$u_0=2\,$, $u_1=5\,$ et $\forall n\in\mathbb{N}\,\quad u_{n+2}=5u_{n+1}-6u_{n}$
Montrer que pour tout $n$ dans $\mathbb{N}$, on a :
$$u_n=2^n+3^n$$
Correction :
Pour $n$ dans $\mathbb{N}$, soit $\mathcal{P}_n$ la propriété :
$$u_n=2^n+3^n$$
La définition de $(u_n)_{n\geq 0}$ suggère d’établir $\mathcal{P}_n$ par une récurrence double.
Initialisation :
On a $u_0=2=2^0+3^0$ et $u_1=5=2^1+3^1$.
Les propriétés $\mathcal{P}_0$ et $\mathcal{P}_1$ sont donc vérifiées.
Hérédité :
Soit $n$ dans $\mathbb{N}$ tel que $\mathcal{P}_n$ et $\mathcal{P}_{n+1}$ soient vraies.
On a donc,
$u_n=2^n+3^n$ et $u_{n+1}=2^{n+1}+3^{n+1}$
Par ailleurs,
$$u_{n+2}=5u_{n+1}-6u_n$$
Soit grâce à $\mathcal{P}_n$ et $\mathcal{P}_{n+1}$,
$$\begin{align}u_{n+2}&=5\left(2^{n+1}+3^{n+1}\right)-6\left(2^n+3^n\right)\\&=5\times 2^{n+1}-6\times 2^n+5\times 3^{n+1}-6\times 3^n\\&=5\times 2^{n+1}-3\times 2\times 2^n+5\times 3^{n+1}-2\times 3\times 3^n\\&=5\times 2^{n+1}-3\times 2^{n+1}+5\times 3^{n+1}-2\times 3^{n+1}\\&=2\times 2^{n+1}+3\times 3^{n+1}\\&=2^{n+2}+3^{n+2}\end{align}$$
La prorpriété $\mathcal{P}_{n+2}$ est démontrée.
On peut donc conclure que la propriété $\mathcal{P}_{n}$ est vraie pour tout $n$.
C’est à dire que pour tout $n\in\mathbb{N}$, on a $u_n=2^n+3^n$.
— Exemple 3 —
Soit $n$ un entier naturel.
On considère la suite $(u_n)_{n\in\mathbb{N}}$ définie par :
$u_0=1\,$, $u_1=4\,$ et $\forall n\in\mathbb{N}\,,\quad u_{n+2}=\sqrt{u_n u_{n+1}}$
Montrer que pour tout $n$ dans $\mathbb{N}$, $u_n$ est bien défini et $u_n >0$.
Correction :
Pour $n$ dans $\mathbb{N}$, soit $\mathcal{P}_n$ la propriété :
$u_n$ est bien défini et $u_n>0$
La définition de $(u_n)_{n\geq 0}$ suggère d’établir $\mathcal{P}_n$ par une récurrence double.
Initialisation :
Par définition, on a $u_0=1$ et $u_1=4$.
Donc $u_0$ et $u_1$ sont bien définis et strictement positifs.
$\mathcal{P}_0$ et $\mathcal{P}_1$ sont donc vérifiées.
Hérédité :
Soit $n$ dans $\mathbb{N}$ tel que $\mathcal{P}_n$ et $\mathcal{P}_{n+1}$ soient vraies.
Par définition de la suite $(u_n)_{n\in\mathbb{N}}$, on a :
$$u_{n+2}=\sqrt{u_n u_{n+1}}$$
Or, grâce à $\mathcal{P}_n$ et $\mathcal{P}_{n+1}$, on sait que $u_n$ et $u_{n+1}$ sont bien définis et strictement positifs. Ainsi, $\displaystyle u_n u_{n+1} >0$
On en déduit que,
$u_{n+2}$ est bien défini et $u_{n+2}>0$.
La propriété $\mathcal{P}_{n+2}$ est démontrée.
On peut donc conclure que la propriété $\mathcal{P}_{n}$ est vraie pour tout $n$.
C’est à dire que pour tout $n\in\mathbb{N}$, $u_n$ est bien défini et on a $u_n>0$.
II. Synthèse :
Voici une proposition de rédaction quand on veut montrer une propriété par récurrence double.
On énonce la propriété à démontrer : $\forall n\in\mathbb{n}\,,\quad\mathcal{P}_n$.
Initialisation : On vérifie que $\mathcal{P}_0$ ET $\mathcal{P}_1$ sont vraies.
Hérédité : On fixe $n$ dans $\mathbb{N}$ tel que $\mathcal{P}_n$ ET $\mathcal{P}_{n+1}$ soient vraies et démontre que $\mathcal{P}_{n+2}$ est vraie.
Conclusion.
Remarque :
Il existe bien des récurrences triples, quadruples, quintuple, …
Ainsi, pour la récurrence triple, le principe est le suivant :
$$\left(\mathcal{P}_{n}\,\text{ET }\mathcal{P}_{n+1}\,\text{ET }\mathcal{P}_{n+2}\right)\qquad\Longrightarrow\mathcal{P}_{n+3}$$
Récurrence forte
III. Le principe de récurrence forte :
Dans certaines situations, on ne sait déduire $\mathcal{P}_{n+1}$ que de TOUTES les propriétés précédentes $\mathcal{P}_{0}$, $\mathcal{P}_{1}$, $\mathcal{P}_{2}$, … jusqu’à $\mathcal{P}_{n}$.
Une telle récurrence est appelée récurrence forte. Là aussi, la rédaction doit être adaptée et le principe de raisonnement par récurrence prend dans ce cas la forme suivante :
Soit $n$ un entier naturel et $\mathcal{P}_{n}$ une propriété.
Si $\displaystyle\underbrace{\mathcal{P}_0\text{ est vraie}}_{\text{Initialisation}}\qquad$ et si $\displaystyle\qquad\underbrace{\forall n\in\mathbb{N},\quad(\mathcal{P}_0\text{ et }\mathcal{P}_1\text{ et }\mathcal{P}_2\,\text{ et }\cdots\text{ et }\mathcal{P}_n)\,\Longrightarrow\, \mathcal{P}_{n+1}}_{\text{Hérédité}}\,,\qquad$ alors $\forall n\in\mathbb{N},\quad\mathcal{P}_n$.
— Exemple —
Décomposition d’un entier en produit de nombres premiers.
Montrer que tout entier naturel $n\geq 2$ est produit de nombres premiers.
Correction :
Intuitivement, on a $2=2\times 1$, $3=3\times 1$, $4=2\times 2$, $5=5\times 1$, $6=2\times 3$, … L’assertion semble être vraie. Démontrons ce résultat à l’aide d’une récurrence forte.
Pour tout entier naturel $n\geq 2$, soit $\mathcal{P}_{n}$ la propriété :
$n$ est produit de nombres premiers
Initialisation :
Puisque $2=2\times 1$, alors $\mathcal{P}_{2}$ est vraie.
Hérédité :
Soit $n\geq 2$.
Supposons que $\mathcal{P}_{k}$ est vraie pour tout $k$ de $[2\,,\cdots\,,n]$, c’est à dire que $k={2\,,3\,,4\,,\cdots\,,n}$ et montrons que $n+1$ est produit de nombres premiers.
Si l’entier $n+1$ est premier, alors il est le produit de nombres premiers
Sinon, il (l’entier $n+1$) peut s’écrire sous la forme $n+1=ab$ où $a$ et $b$ sont des entiers de ${2\,,3\,,4\,,\cdots\,,n}$.
On applique $\mathcal{P}_{a}$ et $\mathcal{P}_{b}$ : $a$ et $b$ sont produits de nombres premiers, il en est donc de même de leur produit $n+1$.
L’assertion $\mathcal{P}_{n+1}$ est donc établie.
Ainsi, tout entier naturel $n\geq 2$ est produit de nombres premiers.
Je suis ingénieur télécoms de formation et j’exerce ce métier depuis toujours. Je reste cependant passionné par les mathématiques et très proche de ce domaine.
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